Том 4. Письма 1820-1849 - Страница 96


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Тетушка Шереметева, приехавшая сюда вчера, поручила мне передать тебе привет. Прости. Мне взгрустнулось, и я совсем пал духом от своего глупого письма. Письма так мало удовлетворяют! Но я с нетерпением жду твоих — они занимают и успокаивают меня. Прости, моя кисанька; умоляю, береги себя.

Тютчевой Е. Л., 31 августа 1846

125. Е. Л. ТЮТЧЕВОЙ 31 августа 1846 г. Овстуг

Овстуг. Августа 31-го. Суббота. 1846

Pardon, chère maman, de ne vous avoir pas écrit plutôt. Mais le jour de poste était purement le jour même de notre arrivée, et il m’aurait été impossible de vous écrire avec quelque suite dans le premier moment. Je n’ai pas besoin de vous dire pourquoi.

Je vous écris de son cabinet, à deux pas du canapé… et entouré d’objets qui lui ont appartenu…

Le lendemain de notre arrivée était un jour de fête Иоанна Постника. После обедни мы слушали панихиду на его могиле. Народу было довольно, и все были тронуты, глядя на Николушку, который горько плакал. Он в самый тот день получил письмо руки покойного, которое отправлено было к нему в Вену и не нашло его там.

Je n’ai pas besoin de vous dire, si j’ai été ému, en me retrouvant ici après 26 ans d’absence. Mais de tout mon passé d’Ovstoug je n’ai retrouvé debout tant bien que mal que deux débris seulement — la vieille maison et Матвей Иванович. Mais l’homme est plus robuste et mieux conservé que la baraque.

Quant à la nouvelle maison, elle est vraiment fort bien, et la vue qu’on a du côté du jardin très jolie. Je serais fort heureux, je vous assure, d’y voir tout mon monde l’été prochain, et ce sera fort heureux aussi pour Ovstoug qui a besoin, pour s’animer, de la présence d’êtres plus vivants et plus gais que nous ne le sommes, mon frère et moi.

Вчера мы были у Небольсиных, которые гораздо живее были у меня в памяти, чем я думал. С первого взгляда мне все припомнилось. Тот же Н<иколай> Павл<ович>, немного пожелтее и постарее, но так же отменно добродушно-вежлив и гостеприимен, с некоторою изысканностью в языке и приемах, та же старушка сестра с своим угощением вареньями — и их умная, всеми и всем заведывающая кузина. Прежде них мы были у их брата, что женат на Озеровой. Тут уж не то. Нет того патриархального лоску, что на старших.

Завтра, воскресенье, мы пируем у Яковлева, а сегодня поутру явился к нам старичок Правиков…

О Варваре Андр<еевне> я и не говорю. Она по вечерам наша отрада, наше Провидение, наше все.


Часов угрюмых облегчает бремя,
Живит беседу, окриляет время.

Но, несмотря на это окриление, вечера невыносимо скучны, и день в этом отношении малым чем уступает вечеру. Так что по этой и по многим другим причинам я в будущую середу, т. е. пятого числа, ровно через неделю по приезде, решился — еду отсюда, как, впрочем, мне ни жаль Николушки… Следственно, я надеюсь быть с вами к 10-му или, поздно, 12-му числу сентября. Посему и прошу любезнейшего, деятельнейшего, всевспомоществующего Николая В<асильевича> приказать взять для меня два места в новой почтовой карете extra-post к 18-му, если можно.

Ваше письмо, любезнейшая маминька, получили мы вчера. Очень рад и очень вам благодарен, что вы отменили поездку вашу к Троице. Надеюсь найти вас совершенно оправившимися. Брат будет писать к вам после.

Дашиньку и Н<иколая> Василь<евича> обнимаю и еще раз благодарю за их прошлое и будущее гостеприимство.

Простите. Целую ваши ручки.

Ф. Тютчев

Тютчевой Эрн. Ф., 31 августа 1846

126. Эрн. Ф. ТЮТЧЕВОЙ 31 августа 1846 г. Овстуг

Ovstoug. Ce 31 août 1846

Ma chatte chérie. Il me semble que je t’écris des antipodes et qu’il y a une sorte de naïveté à croire que cette feuille de papier qui est sous ma main puisse jamais arriver jusqu’à toi, tant j’ai le sentiment d’être au fin bord du précipice… et cependant je ne suis entouré que d’objets qui sont mes plus vieilles connaissances dans ce monde, d’une priorité de date, heureusement très considérable sur toi… Eh bien, c’est peut-être cette ancienneté qu’ils ont sur toi qui me les fait considérer d’un œil peu bienveillant. Il me faudrait pas moins que ta présence ici pour la leur faire pardonner. Oui, ta présence seule pourrait combler l’abîme et renouer la chaîne.

La chambre, où je t’écris, est le cabinet de mon père, la chambre même, où il est mort. A côté est sa chambre à coucher, où il n’est plus entré. Derrière moi est le canapé fonçant l’encoignure, où il s’est couché pour ne plus se relever. Tout autour de la chambre sont de vieux portraits bien connus de mon enfance et qui ont rien moins vieilli que moi. En face de moi est cette vieille relique de maison que nous avons jadis habitée et dont il ne reste plus que le corps du logis que mon père avait pieusement fait conserver, pour qu’un jour, à mon retour dans le pays, je puisse encore retrouver quelque trace, quelque débris de notre existence d’autrefois… En effet, dans le premier moment de mon arrivée j’ai eu un souvenir très vif et comme une révélation de ce monde enchanté de l’enfance, depuis si longtemps abîmé et anéanti — l’ancien jardin, 4 gros tilleuls, très connus dans les environs, une assez chétive allée d’une centaine de pas de long et qui me paraissait incommensurable, tout ce magnifique univers de mon enfance, si peuplé et si varié — tout cela renfermé dans un enclos de quelques pieds carrés… enfin j’ai éprouvé là pendant quelques instants ce que tant de milliers d’êtres semblables à moi ont éprouvé en pareille occurence, ce que tant d’autres éprouveront après moi et ce qui après tout n’a de valeur que pour la personne qui le ressent et aussi toujours qu’elle est sous le charme… Mais tu penses bien que le charme n’a pas tardé à s’évanouir et que l’émotion est allée bien vite s’éteindre dans un sentiment d’ennui complet et définitif… Heureusement on est venu me remettre ta lettre, arrivée ici trois ou quatre jours avant moi et qui m’attendait aimablement sur le seuil pour me souhaiter la bienvenue.

Le voyage a été fastidieux, sans être fatigant, les chemins passables, les gîtes de même. Comme nous avons couché toutes les nuits, nous ne sommes arrivés ici que le cinquième jour… Cette fois, en passant par Kalouga, je n’ai pu m’arrêter pour voir Mad. Smirnoff, mais je compte bien le faire à mon retour… Sa vue qui me serait agréable en tout lieu et en toute circonstance, me le sera doublement à mon retour du pays des ombres…

C’est aujourd’hui samedi, le 31 août. Je partirai à coup sûr le 4 ou 5 septembre et j’espère être rendu à Moscou vers le 10, où je ne compte rester que tout juste le temps nécessaire pour prendre des places dans la malle-poste qui doit me ramener auprès de toi… Si bien qu’entre le 15 ou le 18, j’espère, Dieu aidant, avoir accompli la laborieuse tâche que je me suis imposé. Mais il est entendu qu’à mon arrivée à Moscou j’y trouverai une lettre de toi. Ceci est de rigueur…

Pour ce qui est des affaires, elles sont, autant que je puis en juger, dans un état satisfaisant. L’intendant chargé de la régie, ce Basile, dont on t’a souvent parlé est en effet une bonne, honnête et dévouée créature qui mérite, je crois, toute confiance. Le partage aura lieu dans le courant de l’hiver, en attendant l’argent qui est en caisse sera partagé par moitié. Quant au revenu définitif, il sera pour la part de chacun de quinze à vingt mille roubles au moins, et il y a tout lieu d’espérer qu’il ne tardera pas à s’accroître… De toute manière l’avenir vaudra mieux que le présent, et les chances pour les enfants sont meilleures que les nôtres… La seule à laquelle je tienne pour mon compte, c’est celle de te revoir…

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