Еще один знакомец встретился мне здесь — это приятель Бадени, дуэлянт Бадени, жестокий и чувственный Бадени. Он провел здесь зиму и так хорошо чувствует себя после прошлогоднего лечения, что и думать забыл о своей болезни. Я каждый день встречаю его у лучшего здешнего кондитера, где мы наперегонки угощаемся мороженым, и потом мы беседуем, пока он провожает меня до дверей гостиницы.
Мой брат, вернувшийся три дня назад из Бадена, велел тебе кланяться. Он еще больше, чем я, в замешательстве и унынии от предстоящего нам ужасного путешествия. Ах, как бы он предпочел те благословенные времена, когда он мог каждый день спрашивать Мари: «Wen hast du heute begegnet?»
Прощай, милая кисанька. Спаси и сохрани тебя милосердый Господь хотя бы до моего приезда. Потому что потом я сам о тебе позабочусь. Вот на всякий случай повторно тебе мой московский адрес, перед отъездом в Тегернзее вели Виолье написать его на полудюжине конвертов.
Varsovie. Ce 23 juin
Ma chatte chérie, voilà 24 grands jours que nous sommes séparés et cela ne fait que commencer. C’est dur. Aujourd’hui j’avais compté recevoir une lettre de toi en réponse aux deux lettres que je t’ai écrite de Vienne, mais j’avais mal compté. Je n’ai reçu pendant mon séjour ici que la lettre d’Anna, non le petit billet suspect à l’adresse du Sr Touma que j’ai pris la liberté d’intercepter et qui m’a fort diverti. Ah, ma pauvre chatte, où en serais-tu, si tu n’avais d’autres renseignements à espérer que ceux que le Brochet pourrait te fournir.
Voilà dix jours que nous avons quitté Vienne. Nous avons voyagé la première journée sur le chemin de fer et le lendemain nous sommes arrivés à Cracovie, où nous nous sommes arrêtés deux jours. Cracovie est une ville que tu aurais vu avec plaisir. C’est la digne sœur de Prague, mais ce n’est plus qu’une gracieuse morte. C’est aussi le dernier horizon pittoresque qui s’offre au voyageur dans la direction de l’Orient. Car à peine a-t-on quitté cette ville que vous entrez dans la formidable plaine, la plaine scythique qui t’a si souvent choqué sur ma carte en relief, où elle fait une si énorme plaque et qui n’est guère plus aimable en réalité. Représente-toi la contrée entre Munich et Freising sur un espace presque deux fois aussi grand que le reste de l’Europe. Ce n’est que cela. Tu comprends qu’un pays aussi fait console mal des peines de l’absence. Me voilà à Varsovie séparé de toi par l’honnète distance de 120 milles d’Allemagne. Eh bien, cette distance est modeste comparativement à celle qui me sépare encore de Moscou. Peste soit… je sais bien de qui. Et maintenant, ma bonne, résigne-toi à passer un mois à peu près sans avoir de mes nouvelles. Car il nous faudra bien 8 à 10 jours pour arriver au terme de notre voyage et il en faudra bien 15 à 18 à la lettre que je t’écrirai de Moscou pour parvenir jusqu’à Munich. Tout cela n’est rien moins que gai.
Nous sommes ici depuis le 19 et nous repartons demain. Varsovie m’a agréablement surpris. C’est presqu’une grande ville et fort animée en ce moment à cause de la foire. J’ai retrouvé ici une foule d’impressions qui avaient dormi depuis des années et que le premier pas que j’ai fait dans les rues de Varsovie a éveillées comme en sursaut. Car cette ville après tout et en dépit de tout a un air de famille avec Moscou, très frappant pour celui qui vient de l’Occident.
En outre des impressions, j’ai retrouvé aussi plusieurs personnes de connaissance, entre autres les parents de Jean Gagarine et, comme de raison, inévitable Tourguéneff qui revient de Moscou et se dirige sur Kissingen, son calepin à la main. Quel homme! Ou plutôt quel cheval de poste. Il faudrait, je crois, aller jusqu’en Chine pour lui échapper. — Et toi, ma chatte, que fais-tu en ce moment? D’après tes calculs tu devrais être établie depuis le 20 à la Blitzhütte. Enveloppes-toi bien de tes montagnes pour faire compensation à l’horrible plaine où je vais m’absorber. Ton frère est-il aussi déjà installé à Tegernsee? Voilà des questions, dont il faudra que j’aille chercher la solution à 1200 verstes d’ici. Et ta chère santé? Tu comprends que maintenant tu es plus que jamais obligée à en avoir le plus grand soin. Tu ne saurais assez te pénétrer de ce devoir. La Böhnen se plaît-elle auprès de toi et voisinez-vous déjà avec la châtelaine de l’incomparable chaumière. A propos de Casimire, elle devrait bien entreprendre un jour le voyage que je fais en ce moment, ne fût-ce que pour mettre à une épreuve décisive le zèle et le talent de Barberie.
Sais-tu bien que dans l’aspiration de mes souvenirs ta chère figure est la seule que je ne parvienne jamais à ressaisir?..
Je suis certainement l’homme le plus mal organisé pour l’absence, car l’absence pour moi est comme un Néant qui aurait conscience de lui-même.
Ce 24. Nous passerons encore ici la journée d’aujourd’hui. C’est une petite chance que je me ménage pour avoir ta lettre. Mais garde-toi, si tu allais me désappointer. Je serai capable de m’en aller d’ici sans te dire adieu.
Hier, la veille de la St-Jean, il y a eu ici une espèce de fête populaire qui se célèbre tous les ans à pareil jour. Toute la population de la ville s’est portée sur les bords de la Visla. Une foule immense couvrait le pont. Ce jour-là les jeunes filles ont la coutume de jeter dans le fleuve des couronnes de fleurs, et de la manière, dont ces couronnes descendent le courant, elles tirent toute sorte de présages pour l’avenir. Voilà certes un détail très poétique, mais par malheur le détail, si même il est réel, est si parfaitement enseveli dans la presse, et la foule du monde réuni ce jour-là, qu’il faut en admettre l’existence sur la parade d’autrui. Quant à la grâce que le lieu commun généralement admis, attribue aux femmes polonaises, c’est différent; cmieux qu’un ouï-dire. C’est une très agréable réalité. Il y a en effet dans ces femmes une grâce toute particulière et une certaine câlinerie dans leur parler et dans le timbre de leur voix dont l’organe de Mad. Wyszkowska donne assurément une idée fort incomplète.
Les environs de Varsovie ne manquent pas de charme bien que le pays soit plat… Mais je m’aperçois que je tombe dans la phraséologie du touriste de profession… Ainsi donc adieu, ma chatte. J’embrasse tendrement l’heureuse Marie aussi que les autres enfants et j’écrirai à Anna quand Dieu voudra. Mille tendres baisers.
Варшава. 23 июня
Милая моя кисанька, прошло уже целых 24 дня со времени нашей разлуки, а это еще только начало. Тяжело. Я рассчитывал получить от тебя сегодня письмо в ответ на два моих, посланных из Вены, но просчитался. Пока я живу здесь, я получил письмо только от Анны, — с подозрительной записочкой на имя синьора Тума, которую я имел дерзость перехватить и которая меня весьма позабавила. Ах, бедная киска, что сталось бы с тобой, если бы у тебя не было надежды получить другие сведения, кроме тех, которые может тебе доставить Щука!
Вот уже десять дней, как мы выехали из Вены. Первые сутки мы ехали по железной дороге и наутро прибыли в Краков, где остановились на два дня. Краков тебе понравился бы. Это достойный брат Праги, но это не более как прекрасный покойник. В то же время это последний живописный ландшафт, какой видит путешественник, направляющийся к Востоку. Ибо едва выедешь за ворота этого города, как попадаешь на необъятную равнину, скифскую равнину, которая так часто поражала тебя на моей рельефной карте, где она образует огромную плоскость, а в действительности она не привлекательней, чем на карте. Представь себе местность между Мюнхеном и Фрейзингом, на пространстве, вдвое большем, чем вся Европа. Вот и все. Ты сама понимаешь, что такие края плохо врачуют боль разлуки. Вот я и в Варшаве, где меня отделяет от тебя расстояние в добрых 120 немецких миль, а ведь это пустяк в сравнении с расстоянием, которое еще разделяет меня с Москвой. Черт бы побрал… — знаю, кого. А теперь, моя хорошая, примирись с мыслью, что приблизительно с месяц у тебя не будет вестей обо мне. Ибо до цели нашего путешествия остается дней 8-10, затем потребуется их 15–18 на то, чтобы письмо, которое я напишу из Москвы, дошло до Мюнхена. Все это далеко не весело.