Ce 31 août 1840
Merci, ma chatte, pour ta lettre que je viens de trouver, en rentrant, sur ma table et qui m’a remis de la plus sotte partie de plaisir que j’ai jamais faite et dont j’ai quelque droit de me considérer comme le principal auteur. Hier, ayant dans mes flâneries du matin aperçu un imprimé annonçant pour aujourd’hui une Extrafahrt sur le chemin de fer, j’y ai entraîné les Maltitz et la petite bossue.
Nous sommes partis à 4 h<eures> et nous devions être de retour à 6. Au lieu de cela il sonnait 10 h<eures> quand nous sommes rentrés en ville. Mais aussi le désordre, l’anarchie, l’absurdité qui règnent dans cet établissement sont à peine imaginables. Il faut que la même Providence, qui veille sur les enfants et les gens ivres, protège aussi cette entreprise. Il n’y a que cette intervention qui puisse empêcher les accidents les plus graves… Nous étions là, au nombre 4 à 5 mille personnes, dans l’obscurité la plus complète, sur le bord de la grande route à attendre l’arrivée d’un convoi pour nous jeter dessus, dès qu’il paraîtrait, et condamnés à prendre les voitures d’assaut sous peine, en cas de non-succès, de passer la nuit à la belle étoile, à 5 lieues de Munich. Les cris, les coups, le danger de tomber sous les roues, un diable de feu d’artifice, tiré pour l’amusement de je ne sais qui… tout cela réuni nous a valu quelques moments où j’ai délicieusement jouï de ton absence. La presse était telle que la petite bossue, que je traînais à la remorque, a manqué y laisser sa bosse. Plusieurs centaines de personnes ne rentreront pas à Munich avant demain matin. Mais aussi il y aura demain une belle clameur contre la direction — avec un public moins bénin, demain il ne resterait pas une vitre d’intacte aux fenêtres de la maison du Mr Maffée, le directeur.
Hier Mad. de Berchem (Eichthal) est accouchée d’une fille. L’accouchement a été fort heureux. J’irai demain savoir de ses nouvelles.
Je suis bien aise que les Mentque se plaisent à T<egernsee> et sais gré à lui, Mentque, de n’avoir pas apostrophé les montagnes de sa terrible phrase: «Mais qu’est-ce que cela signifie?»
Je les verrai probablement ici à leur passage, car il ne me sera guères possible, malgré toute l’envie que j’en ai de revenir auprès de toi vendredi prochain, la Grande-Duchesse arrive après-demain et étant à Munich, je ne puis décidément en repartir sans l’avoir vue. Je serai très fâché, si ce retard faisait manquer ton voyage à l’Amergau, mais d’autre part je doute fort que tu en eusses retiré beaucoup de plaisir. Déjà la dernière fois lorsque les Maltitz y ont été, il n’y avait moyen de se procurer une chambre dans l’endroit même. On va coucher à deux postes plus loin et on est obligé de se lever à trois heures du matin pour arriver à temps pour l’ouverture du spectacle. Y a-t-il beaucoup de plaisir que tu voulusses payer de ce prix-là.
31 августа 1840
Спасибо тебе, моя кисанька, за письмо, которое я, возвратясь домой, нашел у себя на столе; оно успокоило меня после глупейшей увеселительной поездки, какую я когда-либо совершал и виновником коей я в некоторой степени имею право считать самого себя. Прочитав вчера, во время своей утренней прогулки, объявление о назначенном на сегодня Extrafahrt по железной дороге, я увлек в эту поездку Мальтицев и маленькую горбунью.
Мы уехали в 4 часа и должны были возвратиться в 6. Вместо того мы вернулись в город, когда било 10 часов. Поистине беспорядок, анархию, глупость, царящие в этом учреждении, трудно себе представить. Очевидно, Провидение, хранящее детей и пьяниц, покровительствует и этому предприятию. Только вмешательство Провидения способно оградить его от страшнейших несчастий… 4–5 тысяч человек в полнейшей тьме, у большой дороги, ожидали поезда с тем, чтобы броситься в него, как только он появится, и вынуждены были брать вагоны приступом, боясь, что в случае неудачи придется провести ночь под открытым небом, в 5 милях от Мюнхена. Вопли, толкотня, опасность упасть под колеса, какой-то дьявольский фейерверк, пущенный неизвестно для чьей забавы… все это заставило меня пережить несколько мгновений, когда я искренне порадовался твоему отсутствию. Давка была такая, что маленькая горбунья, которую я тащил на буксире, чуть было не потеряла свой горб. Несколько сот человек возвратятся в Мюнхен не ранее завтрашнего утра. Но зато — завтра, несомненно, подымется страшный ропот против дирекции. Если бы публика не была столь добродушна, ни одного стекла не уцелело бы завтра в окнах управляющего — г-на Маффе.
Вчера госпожа Берхем (Эйхталь) родила дочь. Роды прошли вполне благополучно. Завтра зайду справиться о ней.
Я очень рад, что Менткам нравится в Тегернзее, а Ментку признателен, что он не встретил горы своей ужасной фразой: «Ну и что такого?» Я увижусь с ними, вероятно, здесь, когда они будут проездом, ибо мне, при всем желании, в будущую пятницу едва ли удастся приехать к тебе. Великая княгиня прибудет послезавтра, а раз я нахожусь в Мюнхене, я не смогу выехать отсюда, не повидавшись с нею. Я буду очень раздосадован, если из-за этой задержки тебе не придется съездить в Амергау, но, с другой стороны, сильно сомневаюсь, чтобы эта поездка доставила тебе большое удовольствие. Еще в прошлый раз, когда туда ездили Мальтицы, не было возможности достать комнату в городке. Придется ездить ночевать на два перегона дальше и вставать в три часа утра, чтобы попасть к началу представления. Найдется ли развлечение, которое ты согласилась бы оплатить такою ценою?
Ce jeudi. Matin
Je t’écris à la hâte, ma chatte chérie. C’est ce matin que nous allons chez la dite G<rande>-Duchesse, et tu sais qu’avec le Brochet il faut toujours faire une large part au temps. Il n’y a rien d’accéléré dans ces procédés. Tout cela n’empêche pas que la véritable Gr<ande>-Duchesse ne soit toi, la G<rande>-Duchesse de mon coeur et que j’aie une mortelle envie de te rejoindre au plutôt. J’espère bien que cela pourra se faire samedi prochain. En attendant je t’envoie les papiers des Mentque, les p<asse>ports et le certificat. Quant aux laissez-passer il n’y faut pas compter. Les missions ici ne sont pas dans l’habitude d’en délivrer. Ce n’est pas sans peine que j’ai réussi à obtenir le visa de Colloredo, car dans la règle il est défendu aux légations autrichiennes de viser des p<asse>ports pour une destination qui ne se trouve pas exprimé dans le p<asse>port primitif visé par leur ambassade à Paris. Je compte bien encore retrouver les Mentque à Tegernsee.
Tout ce que tu me dis au sujet de la g<ouvernan>te me paraît très vrai. Nous en reparlerons. Dans tous les cas je te donne carte blanche d’agir et de décider, comme tu l’entends. La difficulté est toujours dans le manque de place. Je vais retourner dans la maison W<ihan> pour étudier le terrain et pour obtenir, s’il est possible, une réponse définitive.
Je n’ai pas vu encore la Krüdener qui depuis son retour à M<unich> n’a pas encore quitté son lit. Son mari m’a dit que même comme voyageurs ils ont suffisamment éprouvé l’action de cette tristesse particulière à l’Italie pour y avoir pleinement compris et absous mon évasion de l’année dernière.