Том 4. Письма 1820-1849 - Страница 22


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В письме, которое я написал ей вчера, я забыл поручить ей нечто, довольно существенное для меня, и я буду весьма обязан вам, если вы возьметесь передать ей это. Я желаю, чтобы, как только она узнает о приезде в Петербург тетушки г-жи Обрезковой, графини Соллогуб, с которой та в постоянной переписке, — она не преминула бы познакомиться с ней и сказала бы ей, как я благодарен Обрезковым за оказанный мне прием. Признаюсь, я непременно хочу, чтобы мои чувства к ним были известны в Петербурге. Я почитаю это как бы долгом своей совести по отношению к ним.

Это письмо, любезнейшая маминька, теперь, когда судоходство прекратилось, а дороги отвратительны, придет незадолго до именин ваших и моей дочери. Обнимите и благословите ее за меня. Мысль, что вы все в сборе, все, кого я люблю более всего на свете, что вы вместе и иногда говорите обо мне — эта мысль одна утешает меня минутами в моем теперешнем одиночестве. Но она же временами заставляет меня еще острее чувствовать его. Как поживают Дашинька и ее ребенок? Самый сердечный привет Николаю Васильевичу. А что делает Николушка? Пишет ли он вам? Приедет ли он к вам этой зимой? Ах, если еще он дополнит ваше общество — тогда — но что тогда? Я-то все-таки останусь в Турине — с несколько большим огорчением, и грустью, и завистью — но останусь.

Самый сердечный привет всем, кто меня помнит.

Вернулся ли Жуковский? Наверное, нет. Но как только он приедет, постарайтесь сблизиться с ним ради меня и посоветуйте также Нелли познакомиться с ним и поддерживать это знакомство.

Оканчивая письмо, я замечаю, что почти ничего не сказал вам об образе жизни, который здесь веду. Это лишь потому, что нечего о нем сказать. Утром я читаю и гуляю. Окрестности Турина великолепны, и погода пока стоит прекрасная. Каждый день голубое небо, и на деревьях есть еще листья. Затем я обедаю у Обрезковых. Это самое приятное время дня. Я беседую с ними до 8–9 вечера, потом возвращаюсь к себе, опять читаю и ложусь спать — что собираюсь сделать и сейчас, — а назавтра то же самое.

Я завел несколько знакомств среди дипломатического корпуса и даже среди местного общества, но все это так бессвязно, так бестолково.

Скажите, для того ли родился я в Овстуге, чтобы жить в Турине? Жизнь, жизнь человеческая, куда какая нелепость! Ох, простите — целую ваши ручки от всего сердца.

Ф. Тютчев

Тютчевым И. Н., Е. Л. и Эл. Ф., 13/25 декабря 1837

40. И. Н., Е. Л. и Эл. Ф. ТЮТЧЕВЫМ 13/25 декабря 1837 г. Турин

С Новым годом

поздравляю!

Ce 13/25 décembre 1837

Ces distances sont vraiment accablantes. Voici devant moi votre lettre du 16/28 novembre qui n’est qu’une réponse à la première que je vous ai écrite à mon arrivée ici. Eh bien, cette lettre, je ne l’ai reçue qu’avant-hier. Deux mois entiers pour que la parole parvienne d’un interlocuteur à l’autre. Comme c’est fait pour animer la conversation. Cependant en dépit de l’énormité de la distance, je ne conçois rien à la lenteur de vos lettres, votre dernière est restée 25 jours en chemin, tandis que la gazette de Pétersb<ourg> nous arrive ici deux fois par semaine, le 17 jour. Quant à la correspondance de ma femme, c’est encore pis. Je vois par sa lettre de 16/28 nov<em>bre incluse dans la vôtre, qu’à cette époque elle n’avait pas encore reçu un seul des cinq ou six — non pas lettres — mais volumes que je lui ai écrites d’ici et que <je> lui ai adressées par la voie de l’Ambassade de France, ainsi qu’elle-même me l’avait recommandé. Je ne puis supposer que ces lettres ne lui soient pas parvenues. Il me tarde beaucoup toutefois d’être complètement rassuré à ce sujet. En attendant, veuillez-lui communiquer celle-ci. Je lui écrirai sous peu de jours et si, comme il est probable, la lettre devient volumineuse, je l’adresserai de nouveau à Sercey.

En vous donnant de mes nouvelles, je voudrais bien pouvoir vous dire que je commence à me plaire à Turin, mais ce serait là faire un très grand mensonge. Non, en vérité je ne m’y plais guères et il n’y a que l’absolue nécessité qui puisse me faire accepter une existence pareille. Elle est vide de toute espèce d’intérêt et me fait l’effet d’un mauvais spectacle et qui est d’autant plus insipide, quand il ennuie, que le seul mérite qu’il pourrait avoir, c’est serait d’amuser. Il en est de même de l’existence à Turin. Elle est nulle sous le rapport des affaires et plus nulle encore sous le rapport de l’agrément. Revenu dans les premiers jours de ce mois de Gênes qui m’a infiniment plu, j’ai fait quelques tentations pour élargir un peu le cercle de mes connaissances d’ici. Parmi celles que j’ai faites en dernier lieu il y a assurément quelques femmes aimables et dont la société dans tout autre pays serait d’une grande ressource. Mais ici tout cela échoue contre un ensemble d’habitudes inhospitalières et insociables. Ainsi, p<ar> ex<emple>, dès aujourd’hui toute réunion cesse, l’ombre même de société va disparaître. Et savez-vous pourquoi? C’est qu’aujourd’hui le théâtre se rouvre. Or, ici le théâtre c’est tout. Sans exagération aucune, la société toute entière va pour les deux mois du carnaval s’y établir à demeure. Ce n’est plus que là qu’on peut la rencontrer. Il ne reste en ville que les infirmes et les mourants. Hier soir on a pris formellement coup les uns des autres, et tous les salons se sont fermés jusqu’à la fin du carnaval. On pourrait supposer d’après cela que le spectacle, au moins, un grand amusement. Il n’en est rien pourtant. Car nous n’aurons pour nous amuser pendant deux mois entiers que deux pièces toujours les mêmes qu’après la 4–5 représentation personne, comme de raison, ne se donne la peine d’écouter. Le plaisir consiste de courir de loge en loge, en restant cinq minutes dans chacune. Il y a, comme je vous l’ai dit, quelques femmes fort aimables et je crois que ceux qui ont l’honneur d’être leurs amants se trouvent très bien de leur société. Mais il faut nécessairement ou l’être, ou l’avoir été, ou prétendre à l’être pour être admis chez elles. C’est si vrai, que l’homme que vous avez le moins de chances de rencontrer dans une maison, c’est le maître de la maison. En général on ne se fait nulle idée au-delà des Alpes du relâchement de mœurs qu’on trouve dans ce pays-ci. Mais le désordre dans ce genre y est si général, si uniforme qu’il a pris toutes les apparences de l’ordre, et il faut du temps pour s’en apercevoir. Tout cela, il est vrai, m’était déjà connu. Mais on a beau savoir une chose, il faut s’être mis en sa présence pour savoir au juste l’effet qu’elle produira sur vous. C’est dans ce pays qu’il faudrait envoyer toutes les gens à imagination romanesque. Rien ne serait plus propre à les guérir que la vue de ce qui se passe ici. Car ce qui partout ailleurs est matière à roman, l’effet de quelque passion qui bouleverse l’existence et finit par l’abîmer est ici le résultat darrangement à l’amiable et ne dérange pas plus l’ordre habituel de la vie, que ne le fait de déjeuner ou de dîner… Je n’ai pas entendu parler ici d’une femme perdue. Mais je n’en ai pas rencontré une seule, dont on ne m’ait pas officiellement désigné l’amant ou les amants. Et cela sans nulle intention de médisance, pas plus que si on m’avait dit, en me montrant une voiture passer dans la rue: c’est la voiture de Mad. une telle… Tout ce que je vous dis là, une fois écrit, paraît un lieu commun. Mais vu en réalité et de près, cela ne laisse pas que d’être assez piquant. Il en est de même d’une autre circonstance propre au pays. C’est à côté de cette facilité de mœurs, l’extrême dévotion qu’il y a ici, dans les femmes surtout. Aussi pendant le temps de l’avent, qui vient de finir, les églises étaient combles. La ville entière avait l’air d’un couvent. Pas de spectacle, de bal, ni de concert. Pour toute récréation le sermon le matin. Aussi les femmes, je parle de celles de la plus haute société, y étaient-elles en foule. Et quel sermon! Quelle rigueur, quelle austérité, quelle intolérance! Le soir, il est vrai, personne n’y songeait plus.

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